Adolphe-le-Rouge
« Tiens ! Mais où étiez-vous passé, Monsieur Bernard ? On ne vous a pas vu de la semaine. »
Au retour de sa retraite, notre ami, commerçant-forain, regarde un moment le voisin qui l’interpelle ainsi et qui vend, comme lui, à l’étalage, sur le Cours de la grande ville. C’est Adolphe, l’homme aux idées avancées, Adolphe-le-rouge qui vient de l’interroger.
Dans ce couvent, j’ai trouvé trois choses
« Devinez où je suis allé ? … Dans un couvent… ” Adolphe sourit en coin… – “Oui ! Dans un couvent, et durant toute la semaine, j’ai mené la vie des moines ! » – « Heu ! … si ça vous plaît… Chacun prend son plaisir où il le trouve ! … Moi, ça ne m’intéresse guère… » – « Adolphe ! Deux mots encore pour terminer ce sujet… Dans ce couvent, j’ai trouvé trois choses : premièrement la paix du cœur… deuxièmement la joie de l’âme… troisièmement l’absolue certitude qu’après la mort… il y a Dieu ! … »
Ces 3 phrases tournent dans ma tête
Quelques jours plus tard c’est au tour d’Adolphe de disparaître. Sa femme vient avertir : « Mon mari est gravement malade ! » et se tournant vers notre ami : « Monsieur Bernard, il désirerait vivement vous voir ! … »
Son travail achevé, Monsieur Bernard file chez Adolphe. Peut-être pourra-t-il faire un peu de bien… Ne déclarait-il pas quelques jours auparavant, avec une conviction émouvante : « Moi, depuis la retraite, l’apostolat m’est devenu comme nécessaire ! » – « Alors, mon pauvre Adolphe… comment ça va ? ” – « Ah Monsieur Bernard c’est vous que j’attendais ! Vous vous rappelez, n’est-ce pas, ce que vous m’avez dit au retour de votre couvent ? Eh bien, ces trois phrases, elles sont toujours là, dans ma tête. Elles ne me quittent plus. Le jour et la nuit, votre réponse travaille dans mon cerveau ; dans ce couvent j’ai trouvé trois choses ; la paix du cœur, la joie de l’âme, la certitude de l’au-delà. Et parfois j’ai comme envie de pleurer. Voilà ce que je voulais vous dire, Monsieur Bernard. “
Ma petite femme il faudra que tu ailles au bon Dieu, toi aussi
Notre ami est revenu voir Adolphe. Ses confrères de Saint Vincent de Paul viennent aussi. Ils entourent le grand malade de soins délicats et affectueux. Aussi un soir, il n’y tient plus ; « jamais je n’aurais pensé une chose pareille ; mes amis politiques ne se sont pas dérangés et l’aide généreuse et l’affection me viennent du côté où je ne l’aurais jamais attendu ! Monsieur Bernard, je voudrais aussi comprendre les trois choses que vous m’avez dites et je vous demande de faire venir un prêtre… »
Pendant quelques semaines, Adolphe est tout à la joie d’avoir retrouvé sa foi et son Dieu. Et comme maintenant il comprend les trois choses de l’ami Bernard !
Le mal empire, mais les communions se font plus fréquentes. Puis, comme son cas devient très grave, ses nouveaux amis, réussissent à le faire entrer à l’hôpital catholique où il demande à communier chaque matin. Son état est maintenant désespéré, mais sa joie et sa sérénité demeurent entières. Un jour, d’une voix émue, il fait ses dernières recommandations à sa femme : « ma petite il faudra que tu ailles au bon Dieu, toi aussi. Tout est là, vois-tu ? Il faudra que tu te confesses et communies… »
Il est mort à genoux, en priant…
Et en ce beau matin de Pentecôte, alors que notre ami Bernard a promis d’accompagner à Notre Dame de la Garde, l’épouse qui veut se réconcilier et communier, on vient sonner chez lui, de grand matin. C’est elle… en pleurs. Oui… ce matin, à 4 heures. Il venait de recevoir les derniers sacrements, à genoux. Il est mort à genoux, en priant…
Et c’est ainsi qu’après avoir reçu, par Monsieur Bernard une bouffée de l’air céleste inspiré lors d’une retraite, cénacles modernes, où le Saint Esprit transforme encore les hommes, après avoir retrouvé lui aussi la paix, la joie, la certitude… c’est ainsi qu’Adolphe, l’homme aux idées avancées, Adolphe-le-Rouge est parti… L’air était tout vibrant déjà des cloches de la Pentecôte lorsqu’il partit… à genoux, comme un vaillant soldat du Christ-Roi, priant et bénissant Dieu. Alléluia !