Comme la pluie…
La dette de reconnaissance était contractée. Je devais commencer à l’acquitter. Ce serait long : toute une vie !
Transplanté dans ce pays de Romans, mes relations y étaient peu nombreuses. Je ne savais où porter mes pas. Je demandais conseil à l’abbé d’une paroisse voisine. Il m’indiquait l’homme à voir ; dynamique, très répandu dans le milieu politique, je ne manquerais pas de l’entraîner à « Chabeuil ». Il n’en fallait pas davantage pour assurer le départ en flèche d’une multitude de retraitants.
Le but était là, au bout du chemin
Le lendemain, le cœur en fête, par les ruelles montantes de la vieille ville, j’allais vers mon premier apostolat ! Le but était là, au bout du chemin, clair, lumineux, ensoleillé comme ce ciel de dimanche.
Je pénétrais, sans hésitations, dans le magasin. Mon artisan, étonné de cette visite inattendue, me recevait avec courtoisie et peut-être avec inquiétude.
Sans lui donner le temps de souffler, je l’entreprenais avec un courage, une ardeur, une flamme, un enthousiasme que je ne me connaissais pas.
Ah ! je savais ce qu’il fallait offrir à cet homme : la Retraite – la nôtre – avec son mystère, ses attraits, son choc spirituel, son potentiel de conversion, se grâces singulières, ses délices, ses divins colloques, le sel des larmes. La Paroisse. La Patrie. Le Monde…
Comme la pluie sur le marbre…
Ce discours à peine terminé, mon interlocuteur m’ayant serré la main avec effusion, s’était jeté dans mes bras, me donnant la plus fraternelle des accolades. Je le quittais dans un véritable transport d’allégresse. Que la vie était belle, ô mon Dieu !
Les jours passèrent sur ces ferventes promesses et ces résolutions. Hélas ! disait saint Ignace : « L’Esprit de Dieu ne pénétra pas plus profondément en son coeur que la pluie dans le marbre ».
Rien ne put l’arracher à son obstination, ni les visites de nos amis, ni celles de l’angélique P. B., ni celle du Père VALLET, qui s’était déplacé tout exprès pour m’être agréable. Le Père VALLET, las de tant d’efforts inutiles, avait fini par dire : « Ne semons plus sur un terrain stérile. Pour un, n’arrêtons pas toute l’Œuvre ».
Ce fut ma première « victoire », non pas celle que, dans ma présomption, j’avais escomptée, mais celle sur mon amour propre.